Mme Jolly a blâmé la Chine, dont les ambitions ne s’alignent pas sur les valeurs ou les intérêts du Canada. Le gouvernement chinois a répondu, avec mépris, qu’il souhaitait que le Canada revienne à une politique plus rationnelle. La Chine de Xi Jinping ne ressemble plus beaucoup à celle façonnée par Deng Xiaoping. Les nouveaux dirigeants chinois sont des opposants aux démocraties et aux libertés, en particulier à la liberté d’expression. La Chine ne respecte ni les principes fondamentaux de réciprocité ni le droit commercial international. Aucun modèle Pourtant, les autres pays d’Asie-Pacifique sont loin d’être des modèles de démocratie, à l’exception de la Corée du Sud, du Japon et de Taïwan. Vaut-il mieux faire des affaires avec le Vietnam, le Laos, la Birmanie, Brunei ou les Philippines de Bongbong Marcos ? Et que dire des garde-fous assurés en Corée du Sud par les chaebols et au Japon par les keiretsus, ces grands conglomérats privés qui échappent largement à l’influence de leurs gouvernements respectifs ? Le gouvernement canadien se voit-il vraiment pénétrer le marché singapourien, dominé par des entreprises parapubliques locales? Pense-t-il pouvoir passer outre l’influence de la diaspora chinoise en Thaïlande, en Malaisie ou au Cambodge ? Comment gérez-vous le nationalisme économique extrême de l’Indonésie ? Quant à l’Inde, corrompue, désorganisée et alimentée par un nationalisme qui se tourne vers le culte de la personnalité de Narendra Modi, que peut en attendre le Canada ? De nouvelles illusions ? Mélanie Joly a raison de prendre ses distances avec la Chine, un geste qui aurait dû être fait il y a plus de 25 ans. Mais les gouvernements du Canada et du Québec de l’époque n’ont pas voulu écouter les conclusions de plusieurs forums d’experts qui recommandaient ce retrait. Des questions similaires se posent aujourd’hui avec les pays de la région Indo-Pacifique. Certes, ces pays n’ont pas la puissance de la Chine et sont donc moins dangereux qu’elle. De plus, la Chine est devenue une véritable menace pour de nombreux pays de la région. Cette menace est la meilleure promesse d’alliance que le Canada puisse avoir avec les pays de l’Indo-Pacifique. Cependant, il serait naïf de croire que la Chine restera inactive vis-à-vis du Canada et vis-à-vis des pays de la région. Il renforcera discrètement son réseau d’influence et tentera d’amener le plus de pays possible dans son giron. De même, il est peu probable que les entreprises canadiennes obtiennent un succès commercial important dans les pays de l’Indo-Pacifique. A tout le moins, il vaudrait mieux ne pas leur ouvrir grand les portes de nos marchés sans s’assurer au préalable que leurs marchés sont aussi ouverts que les nôtres. A cet égard, les tarifs n’ont qu’un impact marginal. Nos gouvernements seront-ils une fois de plus délirants ? Nous saurons bientôt quand la nouvelle stratégie indo-pacifique sera publiée.